Le blog de Yannick LE MOING

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L’or blanc en pleine obsolescence

Publié par Les Amis de la Terre sur 17 Mars 2013, 14:01pm

Catégories : #Société et Environnement

Si à Salinas Grandes, les populations peinent à s’opposer à l’exploitation du lithium, c’est aussi parce qu’en Europe, la consommation de produits high-tech bat son plein, boostée par les stratégies d’obsolescence programmée adoptées par les entreprises du secteur.

C’ est un paysage totalement nu. À Salinas Grandes (Argentine), le sol d’une blancheur éblouissante, aride et craquelé, s’étend sur les hauts plateaux des provinces de Jujuy et de Salta. Situé à 3 350 mètres d’altitude, ce désert de sel abrite une réserve de lithium qui suscite la convoitise des multinationales. En 2010, les forages ayant fait remonter l’eau douce à la surface – entraînant la destruction du « sel de vie », appelé ainsi car il est comestible –, les populations locales ont découvert les premiers puits d’exploration. « Cette expérience nous a suffi : nous ne voulions pas d’exploitation de lithium sur notre territoire », tranche Soledad Sede, coordinatrice du Réseau d’assistance juridique contre les grands projets miniers en Argentine. Depuis le début des années 1990, la ruée vers cet « or blanc », dont l’exploitation consomme en moyenne 100 000 litres d’eau par heure, s’accélère, motivée par l’épuisement annoncé des ressources naturel- les couplé à l’explosion des ventes de produits high-tech alimentés par des batteries lithium-ion.

Batteries fébriles

Cette situation est aggravée par les stratégies d’obsolescence programmée. « Adoptées par les industriels pour réduire la durée de vie des produits », rappelle Camille Lecomte, chargée de campagne modes de production et consommation responsables aux Amis de la Terre, elles visent à anticiper le tassement de la consommation des ménages. « L’obsolescence technique consiste, par exemple, à vendre des produits indémontables et donc irréparables. L’obsolescence commerciale incite le consommateur à renouveler son produit avant la panne de l’appareil », tandis que l’obsolescence logicielle rend les smartphones des premières générations désuets puisqu’ils ne sont pas adaptés aux nouveaux systèmes d’exploitation. Consultante en consommation responsable, Marie-France Corre refuse d’y voir une stratégie délibérée de la part des industriels. De son point de vue, ce n’est que la conséquence d’une « structure économique dont la consom- mation matérielle est le moteur ».

Quelles qu’en soient les raisons, l’obsolescence programmée a bouleversé les modes de consommation, touchant d’abord les téléphones portables puis d’autres secteurs de l’industrie high- tech. « On change de téléphone tous les 18 mois, alors qu’il fonctionne encore, critique Camille Lecomte. Le consommateur adopte désormais le même comportement vis-à-vis des tablettes et des ordinateurs. » Dans la plupart des cas, ces renouvellements fréquents interviennent car les batteries lithium-ion, qui sont de plus en plus collées, vissées, voire soudées, deviennent fébriles. Le consommateur change donc de produit, alors que l’appareil en lui-même fonctionne encore.

Une vie normale

Ce cercle vicieux est entretenu par le faible recyclage du lithium, une opération que les industriels jugent trop coûteuse. « C’est plus intéressant de continuer à prélever de nouvelles ressources, affirme Camille Lecomte. Résultat : on ne collecte pas bien les anciens téléphones 1. Il y en a en moyenne cinq par foyer, ce sont donc des métaux inutilisés dans nos tiroirs ». En ce qui concerne les batteries au lithium, « selon l’éco-organisme Umicore 2, le taux de collecte oscillerait autour de 5 % ». De fait, la demande accrue d’or blanc a entraîné une augmentation de son extraction (qui a quintuplé depuis 2001 rien qu’en Argentine). Si la Bolivie et le Chili concentrent les première et deuxième réserves mondiales identifiées, Buenos Aires a, elle, ouvert l’exploitation des sien- nes aux compagnies privées étrangères 3. « Il y a 20 ans, il n’y avait pas d’exploitation de lithium en Argentine », confie Soledad Sede. Et Clemente Flores du Collectif citoyen pour la défense et la pro- tection du désert d’ajouter : « C’était une vie normale. »

Pour faire bouger les lignes, les Amis de la Terre ont lancé le 28 novembre 2012 le site www.dessousdelahightech.org qui veut sensibiliser les consommateurs à ce problème. L’association réclame également que soit reconnu un « délit d’obsolescence programmée ». Outre-Atlantique, les communautés de Jujuy et de Salta poursuivent, quant à elles, leur combat contre l’exploitation du lithium. Car même si la Cour suprême d’Argentine et les Nations unies ont demandé que la Convention 169 de l’Organisation internationale du travail (OIT), qui protège les populations indigènes, soit respectée, l’octroi de concessions continue à Salinas Grandes.

ANNA DEMONTIS pour Altermondes http://www.altermondes.org/
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